Elle sera durant les fêtes une des rues de Béthune les plus fréquentées. Et pour cause ! La rue Grosse tête relie la rue d'Arras à la Grand Place et sa cité de Noël.
Une allée de sapins, des guirlandes...Si vous allez au marché de noël, vous ne pourrez pas l'éviter. En cette fin d'année, la rue grosse tête a endossé ses habits de fête. Une atmosphère festive qui vous ferait oublier que cette petite rue jouxtant le beffroi occupe une position centrale dans l'histoire de la ville. Et ceux, pour plusieurs raisons.
Ce chemin piétonnier est ancien. Il apparait déjà sur le cadastre béthunois de l'époque napoléonienne (19ème siècle) sous le nom de « grosse tête » alors qu'autrefois il était nommé rue de l'engannerie. Une dénomination ancienne et curieuse, surtout si l'on connaît la signification du verbe « enganner » qui renvoie à la séduction ou la tromperie. Peut être que cette rue était autrefois le théâtre d'intrigues amoureuses ? Des intrigues amoureuses, il n'en fut pourtant pas question lors du passage à Béthune en 1540 de l'empereur Charles Quint qui l'aurait arpenté.
D'après les récits historiques sur la ville, cette rue a pris le nom de « Grosse tête » (appellation actuelle) en allusion à une enseigne montrant un âne au crâne surdimensionné. Une genèse remarquable, à plus forte raison à Béthune : l'expression « l'âne de Buridan » en hommage au philosophe béthunois du quatorzième siècle Jean Buridan n' a-t-elle pas traversé les siècles pour désigner aujourd'hui une personne incapable de choisir entre deux sollicitations ?
En fouillant dans le passé, les professions exercées par les habitants nous donnent un aperçu du niveau social des résidents de cette petite rue du centre ville. Après la première guerre mondiale, en 1919, on trouve un marchand et un chapelier. En 1926 réside un dentiste. Deux ans après on retrouve un horloger, un marchand de chaussure, un chirurgien dentiste. Après le second conflit mondial, en 1948, on trouve un cheminot, une commerçante et une gérante.
A la fin des années 1970, la rue grosse tête a trouvé toute sa place dans l'aménagement urbain de la ville. Dans le bulletin municipal de 1977, on peut lire que « le dossier ville moyenne a permis l'amorce d'un circuit piétonnier en centre ville. Le mail piétons, la rue Grosse tête, sont à présents des endroits privilégiés pour les piétons ». Quoi de plus logique que la Grand Place, au prolongement de la rue Grosse tête, soit rendue 29 ans après aux piétons !
Arnaud Willay (parution dans la Voix du Nord, le 17 décembre 2006)
Illustration : la rue Grosse tête à la fin des années 1970.